L’Hebdo Varois 14–2016

Il connaît régulièrement son heure de gloire. Notamment grâce aux médias qu’il affecte pourtant de tancer. Car il trouve que la presse le passe sous silence ou le caricature trop. Il est vrai que le personnage qu’il s’est taillé se prête bien au cliché, façon image populiste de droite-enracinement béarnais, sorte de synthèse entre Don Quichotte et Cyrano tout proches, la faconde et l’accent venant authentifier l’ensemble. Ajoutez une grève de la faim au cœur de l’Assemblée nationale, ainsi qu’une marche à travers la France pour rester au contact de ses concitoyens, et voici bien ancré le mythe sympathique de la tête dure et indépendante. Décryptage.

Une intervention stupéfiante au palais-Bourbon

Quand le dépu­té a pris la parole à l’Assemblée natio­nale lors du débat sur la loi dite « El Khomri », on était en droit d’espérer un moment tru­cu­lent sur la forme. Ainsi qu’un argu­men­taire rai­son­né sur le fond. Surprise : ton miel­leux au départ, pla­ti­tudes pro­fé­rées sur un ton docte ensuite. Visiblement, il ne maî­trise pas plus les fon­da­men­taux du sujet que la ministre, d’ailleurs il ne rentre pas vrai­ment dedans : https://www.facebook.com/Esprits.Indigo/videos/714537568649657/

S’il avait bien lu les com­men­taires sur le pro­jet, pré­mo­ni­toires dès le départ, il aurait sans doute mieux sai­si les enjeux : 
http://www.nice-provence.info/blog/2016/02/22/reforme-code-travail-mecontentera-tout-monde-myriam-el-khomri/

Mais le pire était à venir : Jean Lassalle, au fur et à mesure de son dis­cours, révèle pour­quoi en réa­li­té il s’oppose à cette loi, et sur­tout annonce ses réfé­rences dans ce com­bat com­mun. Ce n’étaient pas exac­te­ment les par­te­naires moraux ni les alliés poli­tiques aux­quels on aurait pu s’attendre de la part de quelqu’un de son bord.

Démagogie

Et là, com­plè­te­ment déma­go le Lassalle. Totalement à côté de la plaque. Quelques pro­pos de bon sens, mais ne dépas­sant pas en hau­teur de vue le type café du com­merce, sur la loi tra­vail comme sur ses effets vrai­sem­blables à venir. Rien de trans­cen­dant ni de nouveau.

Quel besoin en plus de se mettre à la remorque de nuit debout et autres mou­ve­ments d’ex­trême gauche mani­pu­lés et tota­li­taires ? Pourquoi enta­mer une labo­rieuse rhé­to­rique essayant, comme le gou­ver­ne­ment et les médias, de nous faire croire que ces gens seraient purs d’in­ten­tions et blancs-bleus de com­por­te­ment ? Comment oser dire que ce sont juste des vilains cas­seurs – et tueurs – qui écla­boussent leur digne com­bat ? N’a‑t’il pas honte de se ran­ger du côté de ceux qui nous prennent pour des demeu­rés et mono­po­lisent la repré­sen­ta­tion natio­nale, pour nous le rabâ­cher jus­qu’à la nau­sée ? Faux popu­liste essayant de faire simple pour trom­per le bon peuple de base, notam­ment de droite, exploi­tant le fond enra­ci­né qui veille encore en cer­tains Français, abu­sant de son par­ler béar­nais pour nous endor­mir par la forme, ce dépu­té appa­raît ici comme sin­gu­liè­re­ment déce­vant. Jusqu’à lécher le der­rière de la ministre du tra­vail, en l’ex­cu­sant pour ce mau­vais texte de la loi, sous le fal­la­cieux pré­texte qu’on le lui aurait impo­sé et, tar­tuf­fe­rie suprême, qu’elle serait capable d’en écrire un meilleur elle-même… On croit rêver !

Questions

Qui a vou­lu et accep­té d’être ministre du tra­vail pour être le vec­teur de cette loi, que per­sonne à gauche ne sou­hai­tait por­ter devant le par­le­ment ? Qui n’a jamais tra­vaillé, en par­ti­cu­lier en France, et par consé­quent ne connaît pas le monde sala­rié ? Qui n’a jamais fait d’é­tudes en droit, éco­no­mie et socio­lo­gie du tra­vail pour au moins com­pen­ser par la théo­rie l’ab­sence d’ex­pé­rience ? Qui parle de la pré­ca­ri­té et ne connaît même pas les bases juri­diques du contrat à durée déter­mi­née, réa­li­té quo­ti­dienne de plus de 80% des rares embauches sur le mar­ché du tra­vail ? Revoir à propos : 
http://www.bfmtv.com/politique/myriam-el-khomri-ignore-le-nombre-de-renouvellements-possibles-d-un-cdd-927815.html

Réponse à cha­cune des ques­tions : la ministre dont le par­le­men­taire Lassalle se croit très fin de faire l’é­loge per­son­nel en pré­am­bule de son inter­ven­tion. Il ne lui rap­pelle même pas que, si le texte qui fait l’ob­jet du 49.3 paraît si mau­vais aujourd’hui, c’est parce qu’il a per­du toute cohé­rence par rap­port au pro­jet de loi qui avait été dépo­sé sur le bureau de l’as­sem­blée par le gou­ver­ne­ment. Qui a lais­sé déna­tu­rer par amen­de­ments suc­ces­sifs le texte ini­tial, certes cri­ti­quable, mais qui du moins pos­sé­dait une cer­taine logique ? Devinez. Sinon reve­nez à la même réponse qu’aux ques­tions précédentes.

Quel est l’avis des députés du Var ?

Lamentable cette inter­ven­tion de Lassalle. A en sou­hai­ter que ses élec­teurs, qui a prio­ri ne portent pas l’i­mage de la ministre du tra­vail comme une sainte icône, et ne confondent pas les ter­ro­ristes de nuit debout avec des enfants de chœur, s’en sou­viennent lors des pro­chaines échéances légis­la­tives. On aime­rait savoir ce qu’en pensent les dépu­tés du Var, tous LR ou alliés, a prio­ri envoyés au Palais Bourbon avec des voix qui res­semblent fort à celles des élec­teurs de Jean Lassalle. Goûtent-ils les récentes affi­ni­tés idéo­lo­giques et appré­cient-ils les nou­veaux amis poli­tiques de leur collègue ?

Marc FRANÇOIS, Toulon, 23 mai 2016