La situa­tion mili­taire en Syrie s’a­mé­liore de semaine en semaine.

Autour de Damas, l’é­tau se des­serre len­te­ment mais sûre­ment. Plusieurs ban­lieues de l’est ont été libé­rées. Les com­bat­tants isla­mistes ont été éva­cués avec leurs armes légères et leurs familles.

Beaucoup se sont deman­dés pour­quoi le régime syrien lais­sait ain­si par­tir sains et saufs des adver­saires réso­lus, prêts à com­battre à nou­veau dès que pos­sible. La réponse est simple :

  • tout d’a­bord c’est une volon­té des Russes, dési­reux d’ac­cé­lé­rer le pro­ces­sus de libé­ra­tion du ter­ri­toire syrien et de ne pas s’embourber dans un conflit sans fin, ce que l’Amérique leur avait prédit ;
  • ensuite, réduire des poches de résis­tances urbaines tenues par mille ou deux mille com­bat­tants aguer­ris pour­rait se révé­ler très coû­teux en hommes, l’ar­mée syrienne n’en a guère les moyens ;
  • enfin il faut voir où ces com­bat­tants sont envoyés : dans la pro­vince d’Idlib, der­nier ter­ri­toire impor­tant tenu par la rébel­lion, au nord-ouest du pays. Or, dans cette pro­vince, des mil­liers de com­bat­tants isla­mistes sont épar­pillés, avec des inté­rêts anta­go­nistes donc des règle­ments de compte régu­liers qui font le bon­heur de tous…

Il faut d’ailleurs sou­li­gner à ce pro­pos que si l’é­va­cua­tion de plu­sieurs ban­lieues de Damas a été pos­sible, c’est aus­si parce que plu­sieurs fac­tions rebelles se sont joyeu­se­ment exter­mi­nées, grâce notam­ment aux attaques répé­tées de Fatah el Cham (l’ex front al Nosra) contre ses concur­rents légè­re­ment moins isla­mistes qu’eux. L’armée syrienne a pu obser­ver cela avec délectation.

Des suc­cès ont éga­le­ment été enre­gis­trés au nord de Damas, entre Homs et Hama, où plu­sieurs posi­tions isla­mistes ont été pilon­nées et, là-aus­si, des cen­taines de com­bat­tants isla­mistes ont dû se replier vers Idlib. Ceci n’est pas allé sans mal car Fatah el Cham cherche pré­ci­sé­ment à évi­ter de subir cette stra­té­gie d’en­fer­me­ment dans la pro­vince d’Idlib et a lan­cé de nom­breuses contre-attaques avec des bull­do­zers blin­dés bour­rés d’ex­plo­sifs conduits par des kamikazes.

Une fois de plus l’ap­port de l’a­via­tion russe a été décisif.

Mais le front actuel le plus impor­tant concerne bien sûr les avan­cées vers Raqqua, capi­tale de l’État isla­mique, située dans le centre du pays.

La grande ori­gi­na­li­té de ce front, c’est que les forces spé­ciales amé­ri­caines y sont très pré­sentes et sou­tiennent acti­ve­ment les kurdes, offi­ciel­le­ment char­gés de libé­rer Raqqa.

Raqqa n’est pas du tout située dans une zone de peu­ple­ment kurde mais qu’im­porte : il faut bien uti­li­ser la chair à canon dis­po­nible, ceci évi­te­ra le retour de cer­cueils de boys en Amérique et des ennuis avec l’o­pi­nion publique en conséquence.

Le pro­blème c’est ensuite : Raqqa tom­be­ra, c’est sûr, simple ques­tion de temps. Mais que feront les Américains après ? Vont-ils repar­tir pour finir de s’oc­cu­per de l’État isla­mique en Iraq et lais­ser les mains libres aux Russes en Syrie ? Ce serait logique mais la CIA, cet État dans l’État, ne l’en­ten­dra pas de cette oreille. De plus, avec Trump qui dit et fait n’im­porte quoi depuis qu’il est élu, tout est pos­sible et sur­tout le pire. Il va donc fal­loir obser­ver avec soin les évé­ne­ments des pro­chaines semaines car les incer­ti­tudes sont immenses.

Une seule chose est main­te­nant cer­taine mais elle est de taille : les isla­mistes ne pren­dront pas le pou­voir en Syrie. Les chré­tiens syriens pour­ront donc pro­gres­si­ve­ment recons­truire leurs mai­sons et leurs églises en remer­ciant les Russes et les Iraniens de les avoir sau­vés d’un géno­cide programmé.

Parallèlement ils se deman­de­ront long­temps com­ment leur vieille amie, la France, a pu sou­te­nir avec autant de zèle des bandes isla­mistes armées et finan­cées par le Qatar et l’Arabie Saoudite. C’est une honte col­lec­tive qu’il fau­dra réparer.

Antoine de Lacoste, Paris, Damas, 28 mai 2017