C’était la pre­mière fois que l’Opéra de Toulon mon­tait « Un bal­lo in masche­ra » de Giuseppe Verdi. La créa­tion eut lieu à Rome en 1859, la pre­mière repré­sen­ta­tion en France à Paris en 1861. L’inspiration ori­gi­nale demeure tou­te­fois fran­çaise, puisque dès 1833 avait été joué « Gustave III ou le Bal mas­qué », com­po­sé par Auber sur un livret de Scribe. Verdi connais­sait ce précédent.

Néanmoins il dut trans­po­ser l’intrigue pour des rai­sons tout autant diplo­ma­tiques que poli­tiques. Il n’était pas ques­tion à la fin des années 1850, ni en Italie tout juste réuni­fiée, ni en France sous le Second Empire, de mettre en scène l’assassinat d’un roi. C’est ain­si que le meurtre, réel celui-ci, du roi Gustave III de Suède en 1792 a été muté par Verdi en assas­si­nat du Gouverneur de Boston aux jeunes Etats-Unis d’Amérique. Ce dépay­se­ment lui per­mit de contour­ner le mur de la cen­sure offi­cielle, laquelle avait refu­sé pré­cé­dem­ment l’œuvre à quelques reprises.

La mise en scène Nicola Berloffa, lors des repré­sen­ta­tions tou­lon­naises des 27, 29 et 31 jan­vier 2017, ain­si que les décors de Fabio Cherstich, accen­tuent volon­tai­re­ment l’effet de trans­po­si­tion dans le temps et dans l’espace vou­lus par Verdi pour pou­voir en fin mon­ter son Bal mas­qué. Du coup, les cos­tumes – créés par Valeria Betella – des conju­rés, direc­te­ment issus de la mode wes­tern spa­ghet­ti, ver­sion Il était une fois dans l’ouest, appa­raissent comme déca­lés dans un ensemble homo­gène par ailleurs. De même n’était-il pas néces­saire de les faire jouer avec des armes à feu, de manière ner­veuse et mena­çante avec une récur­rence com­pul­sive dans la mise en joue de tel ou tel personnage.

Mais ces détails sont bénins. Nous avons eu droit à un Bal mas­qué de bonne fac­ture, res­pec­tant l’intensité crois­sante de l’intrigue dra­ma­tique, sous la hou­lette ryth­mée et impé­rieuse de Rani Calderon. Avec l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Toulon par­fai­te­ment à l’unisson. La dis­tri­bu­tion, pour­tant éclec­tique, don­nait un ren­du très har­mo­nieux en qua­li­té et coor­di­na­tion, d’Alexandrina Pendatchanska en Amelia à Gaston Rivero dans le rôle de Riccardo, avec Dario Solari Renato, Svetlana Sandler Ulrica et Anna Maria Sarra Oscar.

Après un duo Cavalleria Rusticana-Pagliacci endia­blé en ouver­ture, puis un sur­pre­nant et inté­res­sant Sweeney Todd, c’est à nou­veau un belle sai­son qui se pour­suit à l’Opéra de Toulon.

Marc FRANCOIS