Il y a 54 ans, jour pour jour, c’était le 11 mars 1963, le colonnel Bastien-Thiry était fusillé au fort d’Ivry. Par des sous-officiers français. Le dernier des fusillés.

Aîné des sept enfants d’une famille lor­raine de tra­di­tion mili­taire depuis plus de trois cents ans — son père Pierre Bastien-Thiry4,5 (1898−1979) est lieu­te­nant-colo­nel d’ar­tille­rie et son grand-père a ser­vi comme capi­taine de cava­le­rie — Jean Bastien-Thiry étu­die à Nancy puis au lycée pri­vé Sainte-Geneviève avant d’être reçu en 1947 à l’École poly­tech­nique. Diplômé de Sup Aéro, il choi­sit d’en­trer dans le corps des ingé­nieurs mili­taires de l’Air et se spé­cia­lise dans les engins air-air ; il est pro­mu ingé­nieur mili­taire en chef de l’Air en 1957. Il conçoit le mis­sile sol-sol Nord-Aviation SS.10, (puis SS.11) uti­li­sé par l’ar­mée fran­çaise de 1955 à 1962 et éga­le­ment en ser­vice dans les armées amé­ri­caine (dési­gné MGM-21A) et israé­lienne (durant la crise de Suez en 1956).
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Bastien-Thiry : l’honneur d’avoir osé par Manuel Gomez

Accusé d’avoir orga­ni­sé et diri­gé l’attentat dit « du Petit-Clamart », le 22 août 1962, visant de Gaulle, Jean-Marie Bastien-Thiry, alors ingé­nieur mili­taire et lieu­te­nant-colo­nel de l’armée de l’air, com­pa­rait devant la cour de jus­tice mili­taire, pré­si­dée par le géné­ral Roger Gardet. Il est défen­du par les avo­cats Le Coroller, Dupuy, Isorni et Tixier-Vignancour.

Cette Cour de jus­tice mili­taire a été décla­rée « illé­gale » par le conseil d’État en date du 19 octobre 1962.

Fidèle gaul­liste jusqu’en 1959, date à laquelle de Gaulle annonce l’autodétermination en Algérie, Bastien-Thiry n’accepte pas ce virage poli­tique du chef de l’état qui, pour lui, est une igno­mi­nie, un déshon­neur, un crime contre l’humanité : « Nous n’avons pas à nous jus­ti­fier devant votre juri­dic­tion d’avoir accom­pli l’un des devoirs les plus sacrés de l’homme, le devoir de défendre des vic­times d’une poli­tique bar­bare et insensée. » 

Bastien-Thiry cite comme exemple le colo­nel Claus von Stauffenberg qui, le 20 juillet 1944, ten­ta de sup­pri­mer Adolf Hitler : « Les offi­ciers alle­mands ont dû aus­si être dou­lou­reu­se­ment frap­pés par le géno­cide hit­lé­rien des juifs, comme nous le sommes par le géno­cide gaul­liste des Français musulmans ».

Il jus­ti­fie son acte en décla­rant : « C’est une véri­té que l’homme contre lequel nous avons agi est à tout moment pas­sible de la Haute Cour, et qu’il suf­fi­rait d’un mini­mum de clair­voyance et de cou­rage de la part des par­le­men­taires pour l’y tra­duire. Le dos­sier de ses for­fai­tures, de ses crimes et de ses tra­hi­sons existe, et des mil­liers d’hommes sont prêts à témoi­gner de la réa­li­té de ces for­fai­tures, de ces crimes et de ces tra­hi­sons. »(1)

Bien que condam­nés à mort, ceux qui ont tiré ce jour-là sur la DS de de Gaulle obtiennent sa grâce, mais pas Bastien-Thiry qui, selon de Gaulle, n’a pas pris de risques directs mais mérite d’être exé­cu­té : « Les Français ont besoin de mar­tyrs, ose­ra-t-il dire, je leur ai don­né Bastien-Thiry. Celui-là, ils pour­ront en faire un mar­tyr, s’ils veulent. Il le mérite. »

Lorsqu’on le réveille, le matin de l’exécution, la pre­mière ques­tion de Bastien-Thiry est de connaître le sort de ses com­pa­gnons, Bougrenet de la Tocnaye et Prévost. Il est sou­la­gé d’apprendre qu’ils ont été grâciés.

Jean-Marie Bastien-Thiry est fusillé au petit matin du 11 mars 1963, au fort d’Ivry. Il est inhu­mé au cime­tière de Bourg-la-Reine.

Manuel Gomez

(1) Toutes ses for­fai­tures, ses crimes et ses tra­hi­sons sont rela­tés dans mon livre J’accuse de Gaulle 

Manuel Gomez - J'accuse de Gaulle Bastien-Thiry_dernier_fusille