Pour la deuxième fois en moins d’un an, l’ar­mée syrienne a repris Palmyre.

Conquise par l’État isla­mique en mai 2015, la perle du désert avait été reprise une pre­mière fois en mars 2016 par les troupes loya­listes aidées de l’a­via­tion et des forces spé­ciales russes.

Dans l’in­ter­valle, des dizaines de sol­dats et de civils avaient été égor­gés dans les ruines majes­tueuses de l’am­phi­théâtre romain. Parmi eux, Khaled el-Assad, 82 ans, res­pon­sable des anti­qui­tés de Palmyre depuis qua­rante ans. Un som­mi­té mon­diale qui avait refu­sé de quit­ter les lieux. De plus, deux temples, par­mi les plus beaux au monde, avaient été détruits par des charges explosives.

La recon­quête de mars 2016 avait lais­sé beau­coup d’es­poir : Daech ne revien­drait jamais et la res­tau­ra­tion du site allait pou­voir être étudiée.

Pour par­ache­ver ce suc­cès, les Russes orga­ni­sèrent un concert dans le même amphi­théâtre qui vit la mise en scène macabre des isla­mistes. Le plus grand orchestre de Moscou y joua Chostakovitch et l’Unesco remer­cia la Russie pour son action déci­sive. La France, tout à son sou­tien des isla­mistes « modé­rés » et sa condam­na­tion pure­ment idéo­lo­gique de l’in­ter­ven­tion russe, fut un des seuls pays occi­den­taux à gar­der un silence hostile.

Mais Palmyre n’est pas Damas : son inté­rêt stra­té­gique est nul et sa posi­tion iso­lée en plein désert, à quelques dizaines de kilo­mètres de Raqua, capi­tale de l’Etat isla­mique, en fait une proie facile. Pour la pro­té­ger effi­ca­ce­ment, il aurait fal­lu lais­ser sur place des mil­liers d’hommes aguer­ris, prêts à résis­ter à une offen­sive éclair des islamistes.

Cette éven­tua­li­té n’é­tait pas pos­sible alors que l’ar­mée syrienne souffre cruel­le­ment de manques d’ef­fec­tifs. Surtout, la grande bataille d’Alep allait com­men­cer. Son issue allait déci­der du sort de la guerre et, bien évi­dem­ment, ni les Russes ni les Syriens n’ont envi­sa­gé de lais­ser dans l’i­nac­tion des effec­tifs impor­tants dans une garde sta­tique en plein désert.

Daech n’é­tant pas concer­né par la bataille d’Alep où d’autres fac­tions isla­mistes étaient oppo­sées aux troupes loya­listes, n’a pas lais­sé pas­sé l’oc­ca­sion de lan­cer une offen­sive mas­sive en décembre der­nier et de bous­cu­ler les maigres effec­tifs syriens lais­sés sur place.

Ces der­niers n’ont que peu résis­té et cer­tains d’entre eux, après leur cap­ture, ont connu le sort qui attend ceux qui ont le mal­heur de tom­ber entre les mains des bar­bares de l’Etat islamique.

Symboliquement, les isla­mistes ont détruit la façade de l’am­phi­théâtre romain où avait eu lieu le concert ain­si que le tétra­pyle construit en 270 après Jésus-Christ où seules quatre des seize colonnes sont encore debout.

Ils comp­taient d’ailleurs cette fois tout détruire mais la rapi­di­té de l’of­fen­sive syrienne les en a empê­chés. En revanche ils n’ont pas man­qué l’oc­ca­sion d’in­cen­dier le site gazier de Hayan, situé à quelques kilo­mètres de là.

Le Général russe Sergueï Roudskoï a donc tenu parole. Après la chute de Palmyre en décembre der­nier, il avait affir­mé la recon­qué­rir d’i­ci quelques semaines. Mais la situa­tion reste fra­gile : les chars de Daech (pris à l’ar­mée syrienne dans les pre­miers mois de la guerre) ne sont qu’à quelques kilo­mètres et une contre-offen­sive est tou­jours pos­sible. Un point très posi­tif doit tou­te­fois être sou­li­gné : l’es­sen­tiel de l’ef­fort au sol a, cette fois, été accom­pli par l’ar­mée syrienne et non par les forces spé­ciales russes. C’est une uni­té d’é­lite, récem­ment for­mée par les Russes, qui a notam­ment repris la cen­trale élec­trique de Palmyre, début de l’of­fen­sive vic­to­rieuse. Cette uni­té, qui s’est bap­ti­sée « les tueurs de Daech », est la pre­mière du genre. D’autres sui­vront cer­tai­ne­ment et cela augure bien de la suite du conflit pour, enfin, vaincre les islamistes.

Antoine de Lacoste, Paris, Damas, 5 mars 2017