Ce dimanche 26 mars 2017 à 11h00, Porte d’Italie à Toulon, l’ambiance était au recueillement devant la stèle aux martyrs de l’Algérie française. Devoir de mémoire envers les plus de 80 victimes civiles, sans armes, fauchées à mort rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962, par les tirs d’armes automatiques d’un régiment français de tirailleurs algériens. Rappelons que les autorités françaises s’obstinent, malgré les comptages nominatifs, à ne reconnaître officiellement que 46 morts. Comme si la mauvaise conscience empêchait la France, après plus d’un siècle de présence dans l’Algérie qu’elle a créée, plus d’un demi-siècle après être partie dans des conditions troubles et troublées, de faire le deuil nécessaire.
A l’appel de l’Union des amicales varoises de Français rapatriés et d’outre-mer (UAVFROM) et du Cercle algérianiste de Toulon, de nombreuses associations de Pieds-noirs, d’Anciens combattants et de patriotes, se sont rassemblées plusieurs dizaines de personnes, largement plus d’une centaine, fidèles les 26 mars aux rendez-vous toulonnais de la perpétuation du souvenir des martyrs de la rue d’Isly.
De nouvelles têtes ont fait leur apparition cette année, comme les représentants de l’UNC (Union nationale des combattants) ou le docteur Philippe Vitel, député du Var. Ghislaine Ruvira, maître de cérémonie, a toutefois d’emblée voulu mettre ostensiblement les choses au point, en rappelant le caractère « absolument non politique » de la manifestation.
A moins de trois mois des élections législatives, à moins d’un mois des élections présidentielles, la précision parut à beaucoup savoureuse. Surtout quand la même mentionna, pour les fustiger et s’en désoler, les propos de « certains qui veulent maintenant criminaliser la présence des Pieds-Noirs en Algérie », alors que le 26 mars montre qu’en réalité ils furent les premières victimes. Personne n’a pu se priver de penser à tel candidat président, aux propos imprudents et tellement scandaleux qu’ils lui ont valu à Toulon un accueil houleux il y a peu. Mais la cérémonie était apolitique a‑t’elle rappelé. Au-delà de Philippe Vitel, nouveau venu cette année, on notait la présence habituelle comme élus locaux toulonnais de Ghislaine Ruvira, à la fois présidente du Cercle algérianiste de Toulon et Conseillère municipale en charge de la mission « Mémoires », ainsi que de Marc Desgorces. Le Collectif « Non au 19 mars 1962 » était bien sûr présent, comme toujours, représenté notamment par son président Hervé Cuesta.
Vint ensuite ensuite le moment des dépôts de gerbes. Dans l’ordre protocolaire, c’est Ghislaine Ruvira, représentant le maire Hubert Falco, qui déposa la première au nom de la « Ville de Toulon ». Lui succédèrent l’UAVFROM, le Cercle algérianiste de Toulon, « les disparus d’Algérie » et l’UNC. Pour clore la cérémonie, traditionnellement on entonne le Chant des Africains. Ce qui fut fait, après un faux-départ donné par Philippe Vitel, qui a confondu « notre hymne national » évoqué par Ghislaine Ruvira avec la Marseillaise. Tout est rentré dans l’ordre avec un Chant des Africains repris en coeur, suivi de la Marseillaise également à l’unisson ou presque. Tant que sera entretenu le souvenir du massacre de la rue d’Isly, la mémoire des martyrs d’Alger sera transmise et demeurera, malgré le mensonge autour de la date prétendue de fin des combats le 19 mars. Rendez-vous a d’ailleurs été donné le 5 juillet, afin que le souvenir des martyrs d’Oran soit également perpétué et non dilué par le temps, le déni ou les mensonges. Le devoir de mémoire est exigeant. Tous les morts pour la France de 1962 le méritent, ceux d’Alger qui ont été appelés nominativement par Albert Fernandez ce 28 mars 2017 à Toulon, comme ceux d’Oran massacrés honteusement trois mois plus tard.
François LEBOURG, Toulon, 26 mars 2017