Depuis le début du conflit syrien, une large par­tie de la ban­lieue de Damas est occu­pée par dif­fé­rentes fac­tions isla­mistes. Les loya­listes ne sont jamais par­ve­nus à les en délo­ger hor­mis à Daraya, au sud-ouest de la capi­tale. C’est en effet la seule loca­li­té où des moyens consé­quents ont été déployés pour vaincre la rébellion.

Pourquoi à Daraya et pas ailleurs ? Parce qu’elle se trouve au sud-ouest et qu’elle était la seule. Toutes les autres villes aux mains des isla­mistes se situent à l’est. Il était donc logique de s’at­ta­quer sérieu­se­ment à cette ver­rue d’au­tant qu’elle se situait à proxi­mi­té de la route menant au Liban, axe stra­té­gique, ain­si qu’à la grande sta­tion d’eau potable ali­men­tant Damas.

La reprise de Daraya a tout de même duré plu­sieurs mois et s’est sol­dée par la toute pre­mière négo­cia­tion entre l’ar­mée et les isla­mistes, sous l’é­gide des Russes. Plusieurs cen­taines de com­bat­tants isla­mistes ont ces­sé le com­bat et ont été auto­ri­sés à conser­ver leurs armes. Ils ont ensuite été ache­mi­nés avec leurs familles en car jus­qu’à la pro­vince d’Idlib, occu­pée par de nom­breuses fac­tions isla­mistes. Ils ont depuis été rejoints par les vain­cus de la grande et déci­sive bataille d’Alep.

Cette der­nière ayant mono­po­li­sé le gros de l’ar­mée syrienne et de ses alliées chiites, un cer­tain sta­tu quo pré­va­lait à Damas et sa ban­lieue jus­qu’à la semaine dernière.

Mais l’his­toire s’est bru­ta­le­ment accé­lé­rée. L’armée syrienne a mis la pres­sion, sans véri­ta­ble­ment atta­quer, sur la ville de Qaboun située au nord-est de la capi­tale. C’était en effet une cible inté­res­sante car iso­lée ; mais sur­tout cet iso­le­ment avait entraî­né de la part des isla­mistes la construc­tion de nom­breux tun­nels per­met­tant son ravi­taille­ment depuis leurs places fortes de la Ghouta,Saqba, Irbine et Jobar, toutes situées à l’ouest de Damas.

La prise de Qaboun aurait per­mis à l’ar­mée d’ac­cé­der au réseau des tun­nels ce qui repré­sen­tait un dan­ger mor­tel pour la rébellion.

Les isla­mistes ont alors osé une stra­té­gie par­ti­cu­liè­re­ment auda­cieuse : tout en envoyant des com­bat­tants vers Qaboun pour rompre son encer­cle­ment, ils ont dans le même temps direc­te­ment atta­qué le centre de Damas pour essayer d’at­teindre la pres­ti­gieuse place des Abbassides, celle-là même qui est res­tée tout au long de la guerre le centre de la vie des Damascènes.

Fort heu­reu­se­ment, l’ar­mée ne s’est pas lais­sée sur­prendre mal­gré plu­sieurs attaques sui­cides par­fai­te­ment orga­ni­sées par le Front Fatah al Cham (le nou­veau nom du Front al Nosra) et les isla­mistes ont été repous­sés vers Jobar, leur prin­ci­pale place forte.

L’aviation russe n’est pas inter­ve­nue et cette fois c’est bien l’ar­mée syrienne qui a assu­mé l’or­ga­ni­sa­tion des opé­ra­tions bien aidée tou­te­fois par les hommes du Hezbollah libanais.

Aujourd’hui, l’é­ra­di­ca­tion de ces bas­tions isla­mistes aux portes de Damas est une néces­si­té abso­lue pour les Syriens. Mais ce sera long et dif­fi­cile d’au­tant que les Russes sont mili­tai­re­ment net­te­ment moins actifs en Syrie depuis la reprise d’Alep et pri­vi­lé­gient pour l’ins­tant les dis­cus­sions avec les Turcs, les Américains et les Iraniens.

Antoine de Lacoste, Paris, Damas, 5 avril 2017