Depuis plu­sieurs années, une poche isla­miste s’é­tait consti­tuée dans la mon­tagne liba­naise appe­lée Antiliban, à che­val sur la fron­tière syrienne, à quelques kilo­mètres du beau site antique de Baalbek. De là, le Front al Nosra (rebap­ti­sé depuis Fatah al Cham) se sen­tait suf­fi­sam­ment sûr de lui pour faire des incur­sions dans la Plaine de la Bekaa. Il y avait affron­té l’ar­mée liba­naise, tuant et fai­sant pri­son­nier plu­sieurs de ses sol­dats. Il faut noter que des élé­ments de Daesh étaient venus lui prê­ter main forte ; il déca­pi­te­ra deux sol­dats libanais…

Al Nosra avait ain­si pris le contrôle en août 2014 de la petite ville d’Ersal, à majo­ri­té sun­nite, la met­tant en coupe réglée : exé­cu­tions de récal­ci­trants, appli­ca­tion de la cha­ria, tra­fics d’armes et de drogue. La pano­plie habi­tuelle des isla­mistes sunnites.

Trop faible, l’ar­mée liba­naise n’é­tait pas en capa­ci­té d’in­ter­ve­nir et l’ar­mée syrienne avait autre chose à faire. Elle n’au­rait de toutes façons pas été la bien­ve­nue. Après de longues négo­cia­tions, Al Nosra avait fina­le­ment accep­té de se reti­rer dans les mon­tagnes sur la pro­messe que l’ar­mée liba­naise ne l’at­ta­que­rait pas.

Tout a chan­gé il y a quelques jours avec l’in­ter­ven­tion du Hezbollah. Libéré de plu­sieurs fronts en Syrie, en par­ti­cu­lier à Alep et à l’Ouest de Damas, il a déci­dé de recon­qué­rir Ersal afin de gar­der la main mise sur la Plaine de la Bekaa à majo­ri­té chiite.

La prise de la ville fut aisée car les com­bat­tants de Fatah al Cham res­tés sur place ont refu­sé le com­bat et se sont réfu­giés dans les mon­tagnes. Mais le Hezbollah était déci­dé à en finir et a atta­qué l’en­semble du réduit isla­miste. Dans le même temps l’ar­mée liba­naise pre­nait posi­tion dans Ersal pour évi­ter toute mau­vaise sur­prise. L’aviation syrienne est éga­le­ment inter­ve­nue pour fixer les troupes isla­mistes et faci­li­ter l’in­ter­ven­tion du Hezbollah. L’histoire ne dit pas si le Liban a don­né son accord pour des bom­bar­de­ments syriens sur son sol, mais le Hezbollah consti­tuant depuis long­temps un Etat dans l’Etat, cela ne change mal­heu­reu­se­ment plus grand chose pour ce qu’il reste d’Etat libanais.

L’issue de la bataille fut favo­rable : Al Nosra a per­du une cin­quan­taine d’hommes et les chiites une dizaine (leurs noms et leurs pho­tos figurent tou­jours dans la presse liba­naise chiite afin d’ho­no­rer les « martyrs »).

Mais les isla­mistes se sont repliés dans un der­nier petit réduit mon­ta­gneux de neuf kilo­mètres car­rés avec quatre pri­son­niers. Pour les récu­pé­rer sains et saufs, le Hezbollah a dû négo­cier. Un accord semble avoir été trou­vé pour que les der­niers com­bat­tants sun­nites soient ache­mi­nés vers la Province d’Idleb, au Nord-Ouest de la Syrie. C’est déjà là que se concentrent tous les isla­mistes syriens (hors Daech) après les mul­tiples red­di­tions des der­niers mois.

C’est un tour­nant impor­tant dans la guerre qui oppose la Syrie aux isla­mistes. En effet de nom­breuses poches d’in­sur­gés sun­nites sub­sistent ici et là dans les mon­tagnes sépa­rant la Syrie du Liban. Ces petits sanc­tuaires per­met­taient aux isla­mistes d’être à l’a­bri et de rece­voir régu­liè­re­ment des armes et des ren­forts. La perte de la plus impor­tante de ses poches va pro­ba­ble­ment en entraî­ner d’autres.

La Syrie n’au­ra plus à craindre des attaques sur­prises venant des mon­tagnes liba­naises et le Liban sera débar­ras­sé de la pré­sence d’Al Nosra sur son sol.

Antoine de Lacoste