Depuis le début de la guerre en Syrie, Israël sou­tient direc­te­ment plu­sieurs groupes isla­mistes syriens. Armes, argent, médi­ca­ments ont été four­nis en quan­ti­té impor­tante aux dji­ha­distes, en par­ti­cu­lier le long de la fron­tière com­mune aux deux pays, sur le pla­teau du Golan.

Une rumeur démen­tie par Tel-Aviv avait cou­ru un temps : des bles­sés isla­mistes étaient soi­gnés dans des hôpi­taux israé­liens. Un inci­dent sérieux avait fina­le­ment per­mis la confir­ma­tion de cette infor­ma­tion : des isla­mistes avaient com­mis des exac­tions dans un vil­lage druze avant de se replier, pour­chas­sés par des habi­tants druzes venus en renfort.

Cette popu­la­tion, très à part et très sou­dée, vit notam­ment sur un ter­ri­toire à che­val sur la Syrie et l’Etat hébreu. Tous les hommes sont armés et ce sont de redou­tables com­bat­tants des mon­tagnes. L’armée fran­çaise en garde un cui­sant sou­ve­nir depuis la révolte druze de 1925.

Dans leur chasse aux isla­mistes, les Druzes ont consta­té avec stu­peur que leurs enne­mis s’en­fuyaient vers la fron­tière, où des ambu­lances israé­liennes les atten­daient pour emme­ner les bles­sés. L’affaire s’est mal finie pour les isla­mistes : les ambu­lances ont été inter­cep­tées et les bles­sés exé­cu­tés par les Druzes. L’armée israé­lienne n’est pas inter­ve­nue, afin de ne pas s’a­lié­ner une popu­la­tion avec qui elle entre­tient de bonnes relations.

Les faits étant avé­rés, il faut s’in­ter­ro­ger sur les rai­sons de ce sou­tien, qui n’est para­doxal qu’en appa­rence, et il y en a deux.

  • La pre­mière rai­son était le sou­hait de voir tom­ber Bachar. Les Assad sont de vieux enne­mis d’Israël et la chute de leur régime aurait été l’a­bou­tis­se­ment d’une haine tenace. De plus, cela aurait engen­dré le chaos dans ce pays hon­ni : la poli­tique sio­niste est en effet lar­ge­ment orien­tée vers la désta­bi­li­sa­tion des régimes qui lui sont hos­tiles afin d’as­su­rer sa sécu­ri­té. C’était d’ailleurs un des buts de guerre de Bush en Irak qui a par­fai­te­ment réus­si puisque l’Irak n’existe plus. Ce n’é­tait pas le sou­hait des Américains à qui avaient échap­pé quelques sub­ti­li­tés orien­tales, en revanche c’é­tait bien celui des Israéliens.
  • La pro­chaine cible sera l’Iran comme Donald Trump l’a très clai­re­ment décla­ré récem­ment pour bien mar­quer la per­sis­tance du lien entre Washington et Tel-Aviv.

Cependant depuis l’in­ter­ven­tion russe, Israël sait que son pari est per­du et qu’Assad ne va pas tom­ber demain. Alors pour­quoi conti­nuer ? Pour une rai­son très simple : éta­blir une zone tam­pon sur le pla­teau du Golan afin d’é­vi­ter le retour de l’ar­mée syrienne le long de sa fron­tière. La qua­si-tota­li­té de cette fron­tière est ain­si aux mains des isla­mistes qui, sans le sou­tien de l’Etat hébreu, auraient été vain­cus depuis longtemps.

Aussi, dès que l’ar­mée syrienne tente de lan­cer une offen­sive, l’a­via­tion israé­lienne n’hé­site pas à inter­ve­nir pour sau­ver ses pro­té­gés, sous le pré­texte de réagir à des pro­vo­ca­tions syriennes. Au delà des Syriens, c’est aus­si une façon de tenir à dis­tance le Hezbollah qu’Israël doit déjà sup­por­ter sur sa fron­tière liba­naise (son offen­sive de 2006 s’é­tait bri­sée sur la défense achar­née des chiites) et n’a pas l’in­ten­tion de voir se pro­me­ner en plus sur le Golan.

Il va tout de même arri­ver un moment où les isla­mistes seront vain­cus en Syrie et celle-ci n’ac­cep­te­ra pas qu’une por­tion de son ter­ri­toire soit à nou­veau annexée par Israël via des dji­ha­distes. La diplo­ma­tie russe sera nécessaire.

Antoine de Lacoste, 20 août 2017