Donne-moi des ailes… de plomb !

Synopsis et détails

Christian, scien­ti­fique vision­naire, étu­die les oies sau­vages. Pour son fils, ado­les­cent obnu­bi­lé par les jeux vidéos, l’idée de pas­ser des vacances avec son père en pleine nature est un cau­che­mar. Pourtant, père et fils vont se rap­pro­cher autour d’un pro­jet fou : sau­ver une espèce en voie de dis­pa­ri­tion, grâce à l’ULM de Christian ! Commence alors un incroyable et périlleux voyage…

Je suis allé voir le film de Nicolas Vanier

À l’issue du géné­rique de début, le spec­ta­teur est pré­ve­nu que le film s’inspire de faits réels. Tout le monde com­prend alors qu’il fait réfé­rence à l’expérience éton­nate de Christian Moullec, laquelle avait déjà don­né matière à un joli docu­men­taire, Voisin des Nuages, réa­li­sé par Franck Cuvelier. Le météo­ro­lo­giste y appre­nait un nou­veau che­min migra­toire à une famille d’oies naines, de la Laponie jusqu’en Allemagne, en les gui­dant avec son ULM. Je m’attendais donc à une nou­velle féé­rie ani­ma­lière dans le genre de celle que nous avait concoc­tée Jacques Perrin dans Peuple migra­teur.

Quelle ne fut pas ma déception ! 

Si les images sont magni­fiques, notam­ment les séquences en vol, Donne-moi des ailes est un roman éco­lo mièvre et dégou­li­nant de Bien Pensance autant que d’invraisemblances, du début à la fin. Le réa­li­sa­teur de Belle et Sébastien signe là un film cucul-la-pra­line mais poli­ti­que­ment ultra-cor­rect.

Pour cela, un des­sin ani­mé eût aus­si bien fait l’affaire. Il aurait au moins eu le mérite, pour faire pas­ser le mes­sage éco­lo, de ne pas engen­drer… de dégâts éco­lo­giques ! En effet, le tour­nage s’est dérou­lé à proxi­mi­té d’Aigues-Mortes, seul site de France où nichent les Flamants roses (espèce mena­cée, emblé­ma­tique de la Camargue), en période de cou­vai­son des œufs. Les plus grandes pré­cau­tions devaient être obser­vées pour ne pas effrayer ces oiseaux et mena­cer leur repro­duc­tion. L’équipe de Nicolas Vanier était infor­mée des risques. Nonobstant, le soir du 7 juin 2018, l’équipe de tour­nage sur­vo­lait à plu­sieurs reprises, en rase-motte, la colo­nie de Flamants roses pour qu’ils s’envolent à la seule fin d’obtenir de belles images. Paniqués, 500 couples (sur les 4 500 que com­pre­nait la colo­nie) ont aban­don­né défi­ni­ti­ve­ment leur œuf dont une bonne par­tie fut détruite dans le sauve-qui-peut géné­ral. France Nature Environnement Languedoc-Roussillon a d’ailleurs por­té plainte pour per­tur­ba­tion inten­tion­nelle d’espèce pro­té­gée et des­truc­tion d’œufs d’espèce pro­té­gée. Une enquête est en cours pour déter­mi­ner les res­pon­sa­bi­li­tés entre les pro­duc­teurs et le réalisateur.

Quant au scé­na­rio, il est absurde du début à la fin :
• des évé­ne­ments hors du temps,
• un ULM conçu de bric et de broc qui défie les élé­ments – il tra­ver­se­ra la Mer du Nord et un ter­rible orage – et en res­sort tou­jours indemne,
• une admi­nis­tra­tion stu­pide, cor­rup­tive et in fine oppor­tu­niste,
• une police nor­vé­gienne mon­trée incom­pé­tente et au bout du compte ridi­cu­li­sée,
• une sur­veillance des espaces aériens tota­le­ment inexis­tante
• un gamin qui pilote des jours et des jours sans qua­si­ment boire ni man­ger avec, pour seul moyen d’orientation, le GPS d’un smart­phone qu’il ne recharge jamais,
• sans par­ler de l’obligation sco­laire bafouée, etc…

Les per­son­nages, eux, sont cari­ca­tu­raux : 
• un père qui vit dans le men­songe et triche avec tout le monde : son fils, sa femme, ses amis, l’administration et, fina­le­ment lui-même,
• un fils en situa­tion de blo­cage total qui se rap­proche subi­te­ment de son père en voyant des pous­sins éclore,
• une mère qui aban­donne son com­pa­gnon bien sous tous rap­ports pour retom­ber dans les bras de son ex-mari irres­pon­sable et incon­sé­quent qui a mis en péril la vie de leur fils,
•un maire camar­guais gui­gno­lesque,
• un offi­cier de police nor­vé­gien bor­né, bête et méchant, etc…

Fabuleux Voyage Nils Holgersson

En conclu­sion, Donne-moi des ailes est une adap­ta­tion moderne du conte de Selma Lagerlöf, Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson, qui ravi­ra sans doute les tout petits enfants qui ne per­ce­vront pas le peu de cré­di­bi­li­té qui se dégage de cette ver­sion et, sur­tout, la contra­dic­tion entre le mes­sage éco­lo siru­peux que le film entend déli­vrer et la réa­li­té condam­nable des condi­tions du tour­nage. Vrais éco­lo­gistes et parents res­pon­sables, s’abstenir !

Charles André