Le Sénat restitue au droit de la filiation cohérence et lisibilité

Communiqué de Juristes pour l’Enfance
Association pour la pro­mo­tion et la défense des droits de l’en­fant
Consultant auprès du Conseil éco­no­mique et social de l’ONU

Communiqué de presse du 24 jan­vier 2020

Le Sénat restitue au droit de la filiation cohérence et lisibilité

Le Sénat a modi­fié hier les articles 4 du pro­jet de loi de bioé­thique rela­tif à la filia­tion de l’enfant issu d’une PMA réa­li­sée au sein d’un couple de femmes, et 4 bis rela­tif à la trans­crip­tion des actes d’état civil après une GPA réa­li­sée à l’étranger.

Sur la PMA, l’ancien article 4 fai­sait décou­ler la double mater­ni­té des deux femmes de leur recon­nais­sance conjointe anti­ci­pée. Il fra­gi­li­sait tout le sys­tème fran­çais de filia­tion :
• en déta­chant la mater­ni­té de l’accouchement puisque la femme ayant accou­ché n’était pas dis­tin­guée de la seconde femme, ce qui pré­pa­rait en outre la GPA.
• une double mater­ni­té d’origine (non adop­tive) bri­sait la cohé­rence du droit com­mun de la filia­tion fon­dé sur la vrai­sem­blance bio­lo­gique ou la véri­té bio­lo­gique en cas de contes­ta­tion.
• une filia­tion d’intention (non adop­tive) ris­quait de rendre la réa­li­té char­nelle de la filia­tion caduque, jusqu’à rendre obso­lète par exemple l’action en recherche de paternité.

Au contraire, le texte adop­té pré­voit que, lorsqu’un couple de femme recourt à l’AMP (Assistance médi­cale à la pro­créa­tion) :
• La filia­tion de l’enfant à l’égard de la femme qui accouche sera éta­blie comme pour toutes les autres femmes, par l’effet de la loi (décla­ra­tion dans l’acte de nais­sance) ou recon­nais­sance si la femme n’a pas été dési­gnée dans l’acte de nais­sance.
• La filia­tion de l’enfant à l’égard de la seconde femme sera éta­blie par la voie de l’adoption. Le consen­te­ment don­né à l’AMP par la mère qui accouche vaut consen­te­ment à l’adoption de l’enfant par l’autre femme, qui s’engage à faire une demande d’adoption de l’enfant, sans quoi sa res­pon­sa­bi­li­té pour­rait être enga­gée ain­si que l’adoption pro­non­cée à la requête de la mère de l’enfant. Le texte rend l’adoption pos­sible pour les couples liés par un pacte civil de soli­da­ri­té (PACS) ou en concu­bi­nage, alors qu’elle est aujourd’hui réser­vée aux époux, ain­si que l’adoption de l’enfant du par­te­naire de PACS ou du concu­bin. La pro­cé­dure est sim­pli­fiée lorsque l’enfant est issu d’une AMP avec don­neur. La condi­tion d’accueil au foyer de l’adoptant de six mois n’est pas exi­gée et le tri­bu­nal de grande ins­tance a un mois (et non 6) pour rendre son jugement.

L’association Juristes pour l’enfance remer­cie le Sénat d’avoir ain­si ren­du au droit com­mun de la filia­tion sa cohé­rence, en réfé­rence à la réa­li­té char­nelle de l’engendrement de l’enfant.

L’adoption étant une filia­tion élec­tive, elle est néces­sai­re­ment éta­blie par juge­ment, afin de véri­fier que ses condi­tions légales sont rem­plies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Filiation de rem­pla­ce­ment, elle ne se pré­tend pas la filia­tion d’origine de l’enfant et épargne à l’enfant le men­songe d’État qui consis­tait à indi­quer deux femmes sur son acte de naissance.

L’association remer­cie éga­le­ment les Sénateurs d’avoir sai­si l’occasion de sécu­ri­ser le droit com­mun de la filia­tion en disant expli­ci­te­ment dans le code civil rap­pel­le­ra qui est déjà le cas impli­ci­te­ment, à savoir que : « Il ne peut être léga­le­ment éta­bli deux filia­tions mater­nelles ou deux filia­tions pater­nelles à l’égard d’un même enfant. » (futur art. 310−1−1).

L’association rap­pelle néan­moins que, si le recours à l’adoption au sein des couples de femmes per­met de sau­ve­gar­der le droit com­mun, l’adoption n’a pas pour objet d’organiser la pri­va­tion de père mais de répa­rer un acci­dent de la vie. La pri­va­tion déli­bé­rée de père qui résulte de l’AMP réa­li­sée au sein d’un couple de femmes, pour mettre l’enfant en situa­tion d’être adop­té, demeure une injus­tice contraire aux droits de l’enfant.

Par ailleurs, le don de gamètes étant par défi­ni­tion contraire au droit de l’enfant de connaître son ascen­dance et de la faire juri­di­que­ment recon­naître tel que défi­ni par la Cour euro­péenne des droits de l’homme, la loi fran­çaise ne sera pas en confor­mi­té avec les droits de l’enfant tant que qu’elle main­tien­dra le recours au don de gamètes, quels que soient les bénéficiaires.

Sur la GPA (ges­ta­tion pour autrui), l’article 4 bis pré­cise le texte déjà adop­té en com­mis­sion qui inter­dit la trans­crip­tion sur les registres fran­çais d’état civil des actes contraires à la réa­li­té en ce qui qu’ils indiquent comme mère une femme n’ayant pas mis l’enfant au monde ou deux pères, tout en pré­ci­sant que les juge­ments d’adoption ne sont pas concer­nés afin ne pas faire obs­tacle à la trans­crip­tion de juge­ments d’adoption étrangers.

Cette der­nière pré­ci­sion n’était pas indis­pen­sable, un juge­ment d’adoption n’est pas contraire à la réa­li­té dès lors qu’il ne pré­tend pas dire de qui un enfant est né mais par qui il a été adop­té. Elle n’en est pas moins oppor­tune dans le contexte de confu­sion actuel.

Les séna­teurs ont envoyé un mes­sage fort : ils n’entendent pas lais­ser ce sujet majeur à la juris­pru­dence, dont les aléas et l’inconstance étaient source d’insécurité juri­dique et d’imprévisibilité du droit. La Commission spé­ciale avait déjà mis un terme aux errances de la Cour de cas­sa­tion, et le main­tien de l’article 4 bis en séance per­met d’asseoir un peu plus soli­de­ment ce texte même s’il doit encore être adop­té par l’Assemblée.​

Notre illus­tra­tion à la une : Le cri de déses­poir du chan­teur Stromae face à l’ab­sence du père dans son tube : « Papa où t’es ?» : Tout le monde sait com­ment on fait des bébés, mais per­sonne ne sait com­ment on fait des papas.