Incohérences et bavures de la gestion de crise

Toute la France a bien compris, désormais, que la situation de confinement qui nous est imposée résulte de l’impéritie totale de nos gouvernants. Le Président en tête.

Car le pro­fes­seur Didier Raoult l’affirme : « Jamais on n’a pra­ti­qué ain­si à l’époque moderne. On fai­sait ça au XIXe siècle pour le cho­lé­ra à Marseille. L’idée du can­ton­ne­ment des gens pour blo­quer les mala­dies infec­tieuses n’a jamais fait ses preuves. On ne sait même pas si ça fonc­tionne. C’est de l’improvisation sociale et on n’en mesure pas du tout les effets col­la­té­raux. » Le confi­ne­ment géné­ra­li­sé de la popu­la­tion s’apparente donc davan­tage à une pra­tique moyen­âgeuse qu’à celle d’un pays qui se veut moderne et à la pointe de la médecine.

Comme si le cafouillage auquel on assiste depuis trois mois ne suf­fi­sait pas, le Président y a ajou­té quelques couches lors de son allo­cu­tion. Il va réou­vrir « pro­gres­si­ve­ment » les portes des écoles, col­lèges, lycées aux élèves mais les ciné­ma, hôtels, res­tau­rants, bars, théâtres, etc… res­te­ront clos sine die (?) ; les fron­tières seront fer­mées mais seule­ment celles de l’« espace Schengen » — Europe oblige — ; les tests séro­lo­giques, « inutiles » il y a peu, seront géné­ra­li­sés mais uni­que­ment aux per­sonnes pré­sen­tant des symp­tômes (!) ; il nous encou­rage à sor­tir de chez soi pour aller cher­cher son pain mais sa police se montre impi­toyable avec ceux qu’elle traque (pas d’autre mot) pour cher­cher la petite bête…

En un mois de confi­ne­ment, plus d’un demi-mil­lion d’amendes ont été dres­sées pour non-res­pect des règles. Si j’étais mau­vaise langue, je dirais qu’on cherche à reprendre d’une main ce qu’on dis­tri­bue de l’autre. Dès lors, pas éton­nant que les bavures se mul­ti­plient. D’ailleurs les plaintes abondent. Parfois, ces bavures font preuve d’un manque de dis­cer­ne­ment ou de bon sens mais, très sou­vent, de la plus mau­vaise foi de la part des forces de l’ordre. Exactement comme dans la fable « Le loup et l’agneau » de Jean de La Fontaine :

« Qui te rend si har­di de trou­bler mon breu­vage ?
Dit cet ani­mal plein de rage :
Tu seras châ­tié de ta témé­ri­té.
Sire, répond l’Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plu­tôt qu’elle consi­dère
Que je me vas désal­té­rant
Dans le cou­rant,
Plus de vingt pas au-des­sous d’Elle ;
Et que par consé­quent, en aucune façon,
Je ne puis trou­bler sa bois­son.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ! »
Et à la fin, « Sans autre forme de pro­cès, le loup l’emporte et puis le mange. »

Tout le monde aura enten­du par­lé de cette brave dame de 79 ans – elle a racon­té sa mésa­ven­ture au micro de RTL – qui allait dire bon­jour à son mari de 93 ans, par ardoises inter­po­sées, à tra­vers la porte vitrée de l’EHPAD. Des poli­ciers l’ont repé­rée et ver­ba­li­sée pour « non-res­pect du cor­don sani­taire » !

Personne – à part dans les « quar­tiers » où l’on s’agglutine devant les com­merces halal, les tabacs et dans les mos­quées impro­vi­sées – ne doit déro­ger aux consignes de confi­ne­ment. Tout est mis en œuvre pour tra­quer le qui­dam poten­tiel­le­ment en infrac­tion : drones, héli­co­ptères, bri­gades de gen­dar­me­rie à che­val et même à VTT afin d’aller chas­ser les pro­me­neurs sur les sentiers.

Un site inter­net dénom­mé « ver­ba­li­sé-parce-que » com­pile doré­na­vant ces inter­pel­la­tions abu­sives. On y trouve quelques perles qui ne prêtent guère à sou­rire tant elles témoignent de l’a­bru­tis­se­ment ahu­ris­sant dans lequel les auto­ri­tés main­tiennent nos gen­darmes et de nos poli­ciers. Quelques unes prises au hasard :
• un homme va au tra­vail à vélo. Il est arrê­té par trois agents qui lui rap­pellent que le vélo est inter­dit : cela met­trait « sa vie et celle des autres en dan­ger », mais aus­si ris­que­rait « d’engorger un hôpi­tal s’il venait à avoir un acci­dent » ;
• une femme sort ache­ter des ser­viettes hygié­niques. Arrêtée, on veut la ver­ba­li­ser parce que « c’est pas vital » ! Marlène Schiappa – qui, appa­rem­ment, passe son temps sur les réseaux sociaux – a eu vent de l’incident et s’en est mêlée, assu­rant que le gou­ver­ne­ment est « mobi­li­sé pour assu­rer les droits sexuels et repro­duc­tifs des femmes » (quelqu’un peut m’expliquer ?) ;
• des courses ont été fouillées à la sor­tie de cer­tains super­mar­chés pour déter­mi­ner ce qui semble perti­nent ou pas comme achat de nour­ri­tu­re. Les gâteaux et le Coca, « ça n’est pas de pre­mière néces­si­té ! » ;
• à Fresnes-sur-Marne, Pierre (Asper­ger) est verba­lisé parce qu’il n’a pas gar­dé le ticket de caisse bien que les gen­darmes aient cons­ta­té les provi­sions dans le coffre ;
• à Lorient, Cyrille trou­vant trop de rayons vides dans le super­mar­ché le plus proche décide d’aller 2,5 km plus loin. Il n’aurait pas dû. Coût du détour : 135 € ;
• dans le Morbi­han, un agent d’entretien qui doit laver ses tenues quo­ti­dien­ne­ment mais ne pos­sède pas de machine à laver chez lui. Il est ver­ba­li­sé parce qu’il se rend dans une lave­rie ;
• à Nice, une femme de 73 ans fait ses courses à pied. Fatiguée, elle fait une pose sur un banc : elle est ver­ba­li­sée ! Le poli­cier muni­ci­pal lui dit qu’« elle aurait dû cou­rir ou faire du vélo pour ne pas être ver­ba­li­sée » ;
• un homme est ver­ba­li­sé à 100 mètres de chez lui. Motif : « fait du sport sans tenue de sport ». 135 € d’amende pour « manque de dis­cer­ne­ment » ! En effet pour 135 €, il aurait plus s’a­che­ter quelques tenues adé­quates.
• etc…, etc…
Quant aux répar­ties de la maré­chaus­sée, elles valent aus­si leur pesant de caca­huètes. Je vous invite à par­cou­rir le site.

Le plus révol­tant, c’est que les per­son­nels soi­gnants n’y échappent pas ! Le syn­di­cat CGT du centre hos­pi­ta­lier Béthune-Beuvry a rap­por­té que deux de leurs col­lègues avaient été ver­ba­li­sés le 19 mars der­nier. Ils avaient leur jus­ti­fi­ca­tif de dépla­ce­ment pro­fes­sion­nel mais pas l’attestation de dépla­ce­ment déro­ga­toire : 135 € d’amende pour chacun !

Dans ces conditions, qui s’étonnera que les services de renseignement s’inquiètent de mouvements de colère envisagés contre la gestion de crise après le déconfinement ?

En effet, d’après Le Parisien qui dis­po­se­rait de notes confi­den­tielles ayant fui­té, l’appel à la révolte cir­cule sur les réseaux sociaux. Selon le quo­ti­dien, le ser­vice cen­tral du ren­sei­gne­ment ter­ri­to­rial redoute une radi­ca­li­sa­tion de la contes­ta­tion sociale à la sor­tie du confi­ne­ment. Il alerte sur un risque d’embrasement « le jour d’après ». Ce serait, d’après son ana­lyse, un thème for­te­ment mobi­li­sa­teur des mou­vances contes­ta­taires : « La ges­tion de crise très cri­ti­quée nour­rit la contes­ta­tion », écrit-il.

On ne récolte que ce que l’on a semé.

Charles ANDRÉ