L’Hebdo Varois 16–2016

Que restera-t-il de la Coupe de l’America à Toulon ?

Americas Cup Toulon 2016La fête est bel bien finie. Le rideau est défi­ni­ti­ve­ment et rapi­de­ment tom­bé. Un feu d’artifice, plai­sant et réus­si dans une dou­ce­reuse cha­leur noc­turne, sym­bo­li­sait la clô­ture des trois jour­nées du 9 au 11 sep­tembre 2016. À peine la der­nière fusée éteinte, l’organisation met­tait en place le démon­tage des sites d’accueil des fes­ti­vi­tés, sur­tout aux plages du Mourillon, centre prin­ci­pal d’attraction. Le sur­len­de­main, tout était clair. Comme s’il ne s’était rien pas­sé. Mais au fait que s’est-il pas­sé, et qu’en reste-t-il pour Toulon et son ter­ri­toire Toulon-Provence-Méditerranée ?

Une première en France et c’était à Toulon

L’histoire retien­dra que c’est à Toulon qu’a échu l’honneur de rece­voir en 2016 l’étape euro­péenne de la « Louis Vuitton America’s Cup », c’est-à-dire la série de courses pré­li­mi­naires qua­li­fi­ca­tives pour la mythique Coupe de l’America. La plus pres­ti­gieuse sinon la plus ancienne des régates clas­siques au monde. Certes la pré­cé­dente manche s’était dérou­lée à Portsmouth, mais pré­ci­sé­ment peut-on consi­dé­rer qu’il s’agissait d’une étape euro­péenne, sur­tout après le Brexit ? Fermons le débat avant de l’ouvrir… en consta­tant qu’il ne s’agit pas d’un port du conti­nent euro­péen, encore moins d’un plan d’eau de la Méditerranée, mer et mère de l’Europe.

Groupama Team France, l’équipe fran­çaise, ayant déci­dé de faire une série fran­çaise, Toulon a sai­si l’opportunité et décro­ché l’organisation de l’étape. Joli coup pour la ville et sa région, à l’actif du séna­teur-maire Hubert Falco. Dès lors s’est mise en place une gigan­tesque coor­di­na­tion de moyens et de com­pé­tences, mêlant pro­fes­sion­nels et béné­voles, public et pri­vé, dans une ambiance de mobi­li­sa­tion géné­rale pour l’image de Toulon.

Une mobilisation de moyens et volontés impressionnante

Americas Cup Toulon 2016C’est en effet un déploie­ment logis­tique lourd, néces­si­tant une coor­di­na­tion au cor­deau, qui s’est révé­lé néces­saire pour assu­mer le défi de l’escale tou­lon­naise de l’America’s Cup. La ville de Toulon et TPM (Communauté d’agglomération Toulon-Provence-Méditerranée) ont mis le paquet, quan­ti­ta­ti­ve­ment et qua­li­ta­ti­ve­ment. Le chef du pilo­tage pour ces deux struc­tures publiques n’était autre que l’adjoint au maire à la culture, récent ancien pré­fet mari­time de la place, l’amiral Yann Tainguy. Sous sa coupe, de nom­breux hauts fonc­tion­naires et beau­coup des ser­vices de la mai­rie et de l’agglo ont été appe­lés à contri­buer signi­fi­ca­ti­ve­ment. Côté course et son vil­lage, une asso­cia­tion ad hoc , ACTO, avait été créée sous la direc­tion de Thierry Meillour. Au-delà, nombre de béné­voles ont été enrô­lés, notam­ment du CNMT (Club nau­tique de la Marine à Toulon) pré­si­dé par l’Amiral Hubert Pinon, réga­tier che­vron­né au demeurant.

Pas de vents contraires, mais…

C’est une riche pro­gram­ma­tion qui a été dérou­lée pen­dant ces trois jours où Toulon s’est plus que de cou­tume sou­ve­nue qu’elle pos­sède une façade mari­time. Une « Cité des sciences et de la mer », ins­tal­lée sous trois dômes à l’architecture ori­gi­nale pour de l’événementiel éphé­mère, a pré­sen­té au public des ani­ma­tions, des débats, des expo­si­tions. Les thèmes étaient tous liés à la mer et aux atouts de Toulon dans les acti­vi­tés navales, marines, sous-marines, nau­tiques, mais aus­si dans les bio­tech­no­lo­gies, les éner­gies renou­ve­lables et la sécu­ri­té. Tous les grands noms de ces domaines ont répon­du pré­sent comme expo­sants, de la Marine natio­nale et la SNSM (socié­té natio­nale de sau­ve­tage en mer) à IMS et DCNS. Le tech­no­pôle de la mer, fer de lance du déve­lop­pe­ment éco­no­mique de Toulon-Provence-Méditerranée, a béné­fi­cié d’une pro­mo­tion d’image intéressante.

Americas Cup Toulon 2016Parallèlement de nom­breuses ani­ma­tions ont égayé la ville de Toulon, pas seule­ment autour du champ de courses consti­tué par le plan d’eau des régates du Mourillon, mais aus­si au centre ville. Concerts, spec­tacles de cirque et de funam­bules ou d’humoristes, défi­lés, expo­si­tions ponc­tuelles, tout devait concou­rir à ce que les orga­ni­sa­teurs espé­raient comme une grande fête de réfé­rence à Toulon.

Or ce fut certes une réus­site par­tielle, mais pas un triomphe

… mais tout simplement pas de vent !

Hubert Falco l’avait tel­le­ment vou­lu, sou­hai­té , dit et écrit que l’on ima­gi­nait qu’il ne pour­rait en être autre­ment : pen­dant trois jours, Toulon allait vibrer au rythme de l’America. Et là, petite décep­tion, dès le pre­mier jour, pas assez de vent pour cou­rir ne serait-ce qu’une seule manche. Les départs se suc­cé­daient, pour arrê­ter la course quelques ins­tants seule­ment plus tard. La pétole. Rageant quand on sait que d’habitude, si une régate est annu­lée dans la grande rade, c’est plu­tôt pour cause de mis­tral ! La même déveine a accom­pa­gné les deux jours sui­vants. Oui il fai­sait beau, très beau, trop beau. Mais vents insuf­fi­sants, ce qui en effet n’est pas cou­rant à Toulon. Le mini­mum de manches a été cou­ru, par vents faibles, ce qui d’ailleurs a per­tur­bé les équi­pages favo­ris qui appa­rem­ment n’ont pas appri­voi­sé au mieux le petit temps.

Et cette ambiance s’est res­sen­tie aus­si dans la fré­quen­ta­tion. On espé­rait un mil­lion de visi­teurs. Les esti­ma­tions les plus opti­mistes retiennent 3 à 400 000 vrai­ment venus. Sans entrer dans la bataille des chiffres, on a bien consta­té tout de même qu’on ne se mar­chait pas sur les pieds, ni en ville, ni sur les plages du Mourillon.

Qui plus est la pres­ta­tion très moyenne de l’équipage fran­çais n’a pas rele­vé le moral glo­bal. Peut-être faut-il se deman­der aus­si si le grand public iden­ti­fie les monstres de tech­no­lo­gie que sont les bateaux de course avec l’image de la voile et des marins qu’il se fai­sait avant de venir. Des cata­ma­rans, plus de mono­coques, donc une esthé­tique moindre et moins tra­di­tion­nelle, des équi­pages cas­qués et har­na­chés comme des gla­dia­teurs pour des rai­sons de sécu­ri­té, des tirants d’air déme­su­ré­ment hauts par rap­port à la lon­gueur des coques, de la pub par­tout, on est loin de l’élégance du baron Bich lors des défis fran­çais d’il y a une tren­taine d’années. Olivier de Kersauzon a beau nous répé­ter, mais sans grand enthou­siasme ni convic­tion, que ces for­mules 1 des mers, ces bateaux les plus rapides du monde, font autant pro­gres­ser les bateaux de mon­sieur tout le monde que dans le sport auto­mo­bile, on n’y croit guère et la com­pa­rai­son n’est pas flatteuse.

En tout cas ça ne fait pas forcément rêver, encore moins vibrer.

Reste que la mobi­li­sa­tion géné­rale qu’a repré­sen­té pour Toulon cette mani­fes­ta­tion a don­né une image et une expo­si­tion à la ville qu’elle n’aurait pas gagné autre­ment. D’autant que l’organisation fut impec­cable. Dommage que les orga­ni­sa­teurs n’aient pas misé sur les médias domi­nants sur le mar­ché fran­çais. Il a fal­lu pas­ser éga­le­ment notre tour pour la Tall Ships Regatta, le ter­ri­toire tou­lon­nais ne pou­vant accueillir deux évé­ne­ments mari­times majeurs de cette impor­tance de façon rap­pro­chée. Ce qui n’est pas trop grave, nous avons déjà reçu les plus beaux voi­liers en 2013, la Tall ships regat­ta revien­dra à Toulon. Et l’America’s Cup ? Fallait-il arbi­trer en sa faveur et la faire venir ? Malgré tout oui, serait-on ten­té de dire, le défi valait la peine d’être rele­vé. Faudra-t-il la faire reve­nir ? Peut-être, mais à condi­tion de bien ana­ly­ser le retour d’expérience.

Marc FRANÇOIS, Toulon, 26 sep­tembre 2016