Cheminer au pays des Celtes et Ligures de Provence (1 /​2)

Découvrir un autre pays d’Aix-en-Provence

Parler d’Aix-en-Provence c’est pen­ser fes­ti­val de musique, comme c’est pen­ser théâtre en par­lant d’Avignon. Mais l’ancienne capi­tale pro­ven­çale, res­tée sa capi­tale intel­lec­tuelle, ne vit pas qu’en juillet. Elle a bien d’autres cordes à son arc. Dont celle d’avoir été, dans les temps recu­lés, sinon la capi­tale tout au moins l’épicentre d’une aire eth­no-cultu­relle, qui consti­tue le sub­strat de la « Grande Provence » actuelle, même en y incor­po­rant les flux migra­toires euro­péens anté­rieurs à l’arrivée de César.

Autant César et les Romains ont lais­sé au sol et dans la pierre une empreinte forte et monu­men­tale, autant les Ligures et les Celtes semblent avoir sur­vo­lé la contrée. En effet leurs traces paraissent rares. Il faut bien s’y connaître pour retrou­ver, sou­vent à l’écart des routes et des habi­tats, dans le fouillis végé­tal, les lieux d’habitat et les lieux sacrés qu’ils ont mar­qués de leur pré­sence.
Difficile de se pro­je­ter quelques mil­lé­naires en arrière et d’imaginer ces barres rocheuses domi­nantes, ces tertres abrupts boi­sés, occu­pés par des popu­la­tions indi­gènes, à l’abri de puis­sants murs de pierre : ce que les Romains ont appe­lé « oppi­da » ou encore cas­tel­la­ras. On a pu par­ler d’une civi­li­sa­tion des oppi­da dans le Midi de la France.
Leur nombre esti­mé peut atteindre plu­sieurs cen­taines par dépar­te­ment, par exemple :
• 300 dans les Alpes-Maritimes,
• 277 recen­sés dans le Var,
• plus de 200 dans le Gard,
• un nombre sen­si­ble­ment équi­valent dans les Bouches-du-Rhône.
Ceci pour ne citer que les dépar­te­ments envi­ron­nants. Mais les don­nées archéo­lo­giques pré­cises (sites fouillés et recon­nus) sont beau­coup plus limi­tées.
Il ne faut cepen­dant pas voir dans ces oppi­da un réseau urbain cohé­rent. Les oppi­da dif­fèrent d’ailleurs par leur période d’occupation, par leur super­fi­cie ou encore par le type de site où elles sont situées :
• épe­ron bar­ré avec pentes ou falaises sur trois côtés à Untinios, Saint-Antonin-sur-Bayon,
• enceinte en appui sur un à‑pic à Constantine près de Lançon ou à Notre-Dame-de-Pitié à Marignane,
• som­met fer­mé par une enceinte comme au Pain-de-Munition près de Pourrières.

Oppidum_celto-ligure_ConstantineSi ces habi­tats per­chés sont nom­breux, il ne faut pas pen­ser que l’habitat de plaine était inexis­tant. Toutefois se loger sur les hau­teurs semble avoir été une carac­té­ris­tique de ces popu­la­tions. Sans être de ces pas­sion­nés en quête per­ma­nente de nou­veaux ves­tiges, on peut avoir sim­ple­ment la curio­si­té d’accéder à ces sites pour en res­sen­tir la gran­deur. Ainsi que – si l’on y est sen­sible – leur vibra­tion car leur loca­li­sa­tion n’a jamais été rete­nue par hasard.
Dans les cultures que nous nom­me­rons « pre­mières » (à cha­cun de hié­rar­chi­ser, s’il le juge néces­saire), l’élection d’un lieu d’habitat par défi­ni­tion col­lec­tif rele­vait de l’acte sacré. En ces temps-là, on ne connais­sait pas la laï­ci­té, on n’en avait pas besoin. Tous les membres de la com­mu­nau­té par­ta­geaient la même reli­gion donc priaient les mêmes dieux.

Il est loi­sible de pico­rer les des­ti­na­tions au gré de ses envies ou d’entreprendre un par­cours plus com­plet en com­bi­nant dif­fé­rents moyens de loco­mo­tion : marche, vélo, auto. En se munis­sant d’une carte au 100/​1000ème (pour les tra­jets sur route) ou/​et au 25/​1000ème pour la topo­gra­phie d’approche. C’est notre choix.
Le périple que nous avons rete­nu s’étale sur quelques dizaines de kilo­mètres. Il vous mène­ra à l’essentiel, à tra­vers des pay­sages tan­tôt cézan­niens, tan­tôt d’une Provence sau­vage ou au contraire urbaine. Une recom­man­da­tion : que la mémoire de ceux qui vous ont pré­cé­dés vous porte à l’attention, à la pru­dence et à la délicatesse.

Départ d’Entremont, située sur un mame­lon à la sor­tie nord d’Aix-en-Provence, qu’elle domine. La capi­tale des Salyens a pré­cé­dé la ville romaine d’Aquae Sextiae (Aix). À son corps défen­dant pourrait–on dire, puisque sa des­truc­tion fut sui­vie de la fon­da­tion de la colo­nie éta­blie à ses pieds.

Oppidum_celto-ligure_EntremontEntremont fut redé­cou­verte for­tui­te­ment pen­dant la guerre, dit-on ; les Allemands vou­laient éta­blir une sta­tion radio sur ce site domi­nant. Les fouilles ont mon­tré une véri­table ville, éta­blie en limite d’un pla­teau cal­caire, défen­due sur deux côtés par des escar­pe­ments natu­rels et, au nord, par un rem­part avec cour­tines et tours. Elle abri­tait une popu­la­tion nom­breuse. Cette ville contrô­lait des voies de tran­sit entre Marseille et la Durance, l’étang de Berre et le Var.

Oppidum_celto-ligure_Pain-MunitionCapitale d’un peuple puis­sant, for­mant une socié­té aris­to­cra­tique et guer­rière, « les Salyens atroces », elle eut le tort de gêner Massilia, alliée de Rome, fut prise d’assaut et rui­née : les guerres pour rai­son éco­no­mique exis­taient déjà.
Continuons notre pro­me­nade vers l’est par la val­lée de Vauvenargues, puis le col de Claps. Longeant le ver­sant nord de la Sainte-Victoire, le mont Venturi, nous allons vers le Puits de Rians où exis­tait éga­le­ment un oppi­dum. Mais celui qui nous inté­resse est, à peu de dis­tance, celui du Pain-de-Munition. Il se situe au som­met d’un mame­lon boi­sé, très visible, aux formes bien symé­triques, à l’est de la route Pourrières-Rians.

Une marche, de trois quarts d’heure dans un maquis de chênes, conduit au som­met. On y découvre une enceinte consti­tuée par un mur large, ébou­lé ; il fai­sait le tour du som­met. La vue est impre­nable sur la route qui suit une combe et sur les alen­tours boi­sés : un véri­table point d’appui pour contrô­ler un axe de cir­cu­la­tion et un car­re­four de voies. Les Celto-Ligures avaient le sens stratégique.

Nous lais­sons Pourrières der­rière nous en obli­quant vers le cou­chant et lon­geons le ver­sant sud de Sainte-Victoire sur ce qui est, à peu près, la « route héra­cléenne ». La voie légen­daire qu’emprunta, en sens inverse, Hercule qui s’en retour­nait en Grèce après être allé cueillir les pommes du Jardin des Hespérides. Peu après Puyloubier, un autre oppi­dum, celui de Bramefan, sur une arête, à mi-flanc, sur le ver­sant sud de la mon­tagne Sainte-Victoire. Le décor miné­ral est d’une grande beauté.

Les fouilles ont mis à jour une occu­pa­tion remon­tant au Ve siècle avant JC, avec la pré­sence pro­bable d’un sanc­tuaire ; à noter qu’il existe, à proxi­mi­té, l’ermi­tage de Saint-Fer.

Chappelle Ermitage Saint-Fer

Chappelle Ermitage Saint-Fer

Peut-être les Dieux n’ont-ils jamais quit­té ces lieux ? Des ves­tiges de foyer et de ven­danges témoignent d’une acti­vi­té arti­sa­nale incluant la petite métallurgie.

Voilà Untinos, à quelques cen­taines de mètres au-des­sus du petit vil­lage de Saint-Antonin. L’oppidum occupe un épe­ron rocheux, per­pen­di­cu­laire à la falaise sud de Sainte-Victoire. Un petit pla­teau, cer­né de trois côtés par des pentes abruptes, domine la petite plaine qui va jusqu’au Cengle et à la côte per­met­tant d’accéder à Saint-Antonin. Là aus­si, point de vue imprenable.

Oppidum_Saint-Antonin-sur-BayonUn mur, haut d’environ un étage, témoigne d’une pré­sence bien pos­té­rieure aux Celto-Ligures. Ce sont les ves­tiges d’une occu­pa­tion au Moyen-Âge. Il y avait là un cas­tel­lum et une cha­pelle. La fouille du site cel­to-ligure a fait appa­raître un rem­part à l’ouest, au nord et au sud-ouest. Les autres côtés étant défen­dus par le relief. Quelques élé­ments d’urbanisme ont été relevés.

Julien Peyrié

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