Lettre à notre fils qui se bat « pour le climat »

Mon ché­ri,

Vendredi, plu­tôt que d’aller au lycée, tu as par­ti­ci­pé à la mani­fes­ta­tion pour la défense du cli­mat et le sau­ve­tage de la pla­nète. Tu n’imagines pas com­bien nous avons été fiers de te voir enga­gé dans une cause aus­si essen­tielle. Profondément émus par tant de matu­ri­té et de noblesse d’âme, nous avons été tota­le­ment conquis par la per­ti­nence de ton combat.

Aussi, je t’informe que ta mère et moi avons déci­dé d’être indé­fec­ti­ble­ment soli­daires et, dès aujourd’hui, de tout faire pour réduire l’empreinte car­bone de notre famille.

Alors pour com­men­cer, nous nous débar­ras­sons tous les smart­phones de la mai­son. Et puis aus­si de la télé­vi­sion. Tu ne ver­ras aucune objec­tion, natu­rel­le­ment, à ce que ta console subisse le même sort : on dit qu’ils contiennent des métaux rares que des enfants, comme toi, extraient sous la terre dans des condi­tions honteuses.

Évidemment, nous avons entre­pris de rési­lier aus­si tous les abon­ne­ments télé­pho­niques et la box d’accès à l’in­ter­net. Nous avons pris conscience que tous ces gigan­tesques data-cen­ters qui stockent les don­nées des réseaux sociaux et des films en « stea­ming » sont des gouffres éner­gé­tiques. J’ai aus­si contac­té un plom­bier pour faire reti­rer le sys­tème de cli­ma­ti­sa­tion par­ti­cu­liè­re­ment éner­gi­vore. Nous nous le rem­pla­ce­rons par des ven­ti­la­teurs basse consom­ma­tion dont nous nous effor­ce­rons de ne pas faire une uti­li­sa­tion abusive.

Nous pen­sons éga­le­ment qu’il est néces­saire de cor­ri­ger nos modes de vie : nous ces­se­rons donc de par­tir en vacances au ski ou à l’é­tran­ger. Ni même sur la Côte d’Azur avec le cam­ping-car que, d’ailleurs, nous avons la ferme inten­tion de revendre. Et bien sûr, fini l’avion ! Pour l’é­té pro­chain, ta mère et moi avons pro­gram­mé de remon­ter le canal du Midi par les berges, à vélo. Comme tu iras désor­mais au col­lège avec ton VTT, cela te fera un excellent entraî­ne­ment. Oui, parce que la bat­te­rie de ta trot­ti­nette élec­trique n’étant pas recy­clable, il te fau­dra oublier ce mode de loco­mo­tion. Mais c’est déjà fait, j’imagine.

Ah ! pour tes vête­ments, nous avons déci­dé de ne plus ache­ter de marques (ces vête­ments sont fabri­quées par des mains d’en­fants dans les pays du tiers-monde comme tu le sais). Tu nous approu­ve­ras, nous en sommes per­sua­dés. Nous envi­sa­geons par consé­quent de t’a­che­ter des vête­ments en matières éco-res­pon­sables, comme le lin ou la laine, que nous choi­si­rons de pré­fé­rence écrus (les tein­tures sont par­mi les plus grands polluants).

Dans la fou­lée, nous nous met­trons à l’alimentation bio et pri­vi­lé­gie­rons les cir­cuits courts. Et pour aller au plus court, nous son­geons même à ache­ter des poules afin d’avoir des œufs frais à por­tée de main : tu vas ado­rer ! Ta mère a même pen­sé à un mou­ton pour tondre le gazon. Et puis, j’ai adres­sé une can­di­da­ture en bonne et due forme à la mai­rie pour obte­nir l’affectation d’une par­celle dans les jar­dins fami­liaux par­ta­gés. Nous comp­tons sur toi pour nous aider à culti­ver nos légumes. Il va sans dire que, dans cette démarche, nous ban­ni­rons les ali­ments indus­triels. Désolé pour le Coca et le Nutella dont tu fai­sais grande consom­ma­tion et dont tu devras te pri­ver à pré­sent. Mais nous ne dou­tons pas un ins­tant de ton approbation.

Enfin, pour palier le manque de dis­trac­tions par écrans inter­po­sés, le soir, nous nous remet­trons à la lec­ture (dans des livres en papier recy­clé, cela va de soi) ou nous joue­rons aux échecs et pour­quoi pas aux petits che­vaux : il y a une éter­ni­té que nous n’avons pas fait une par­tie de ce jeu déso­pi­lant. Nous achè­te­rons un pla­teau et des pièces en bois du Jura, comme il se doit. Et nous veille­rons à nous cou­cher plus tôt pour éco­no­mi­ser la lumière.

Voilà, nous sommes cer­tains que tu adhè­re­ras plei­ne­ment à ce sym­pa­thique pro­gramme qui s’inscrit en ligne directe dans ton com­bat pour sau­ver la pla­nète. Et nous te remer­cions encore de nous avoir ouvert les yeux.

Tes parents qui t’admirent et qui t’aiment.

(cour­rier écrit sur du papier recyclé)

Charles ANDRÉ