Algérie : repentance, pourquoi ?

En com­plé­ment de notre article du 22 juillet 2019, Les bar­ba­resques prennent la France, nous pro­po­sons cette ana­lyse rigou­reu­se­ment docu­men­tée d’Éric de Verdelhan. Les Algériens, et mal­heu­reu­se­ment bien des Français, ignorent l’Histoire, ou feignent de l’i­gno­rer — à l’ins­tar de notre Président — ce qui est plus grave encore.

« L’école est le lieu de l’as­si­mi­la­tion qui est le contraire de la guerre des mémoires et de la repen­tance…» (Henri Guaino).

Il aura suf­fi de quelques matchs de « balle au pied » gagnés par l’Algérie, dans le cadre du Championnat d’Afrique dont on se fout comme d’une guigne, pour que cer­taines de nos villes subissent des débor­de­ments, des bagarres, des cor­ri­das urbaines, des sac­cages, des pillages, de la part de res­sor­tis­sants algé­riens qui n’auraient assu­ré­ment pas osé faire ça chez eux.
Et aus­si­tôt, quelques pisse-copies – tou­jours de gauche – nous ont expli­qué que c’était tout à fait com­pré­hen­sible : les Algériens ont « une revanche à prendre » puisque nous les avons occu­pés illé­ga­le­ment en 1830, puis, durant 132 ans, nous avons pillé leur pays et détruit leur culture.

« La France ils nous ont colo­ni­sés, aujourd’­hui c’est nous on les colo­nise. »Immigration mas­sive + acqui­si­tion auto­ma­tique de la natio­na­li­té + haine de notre his­toire trans­mise par une bonne par­tie des ensei­gnants et jour­na­listes. Bien joué ! 😡

Gepostet von Philippe Vardon am Samstag, 20. Juli 2019

Quand les choses vont mal chez nous, rien ne vaut un coup de repen­tance pour culpa­bi­li­ser le « Souchien » (que ceux d’en face appellent « Sous chien »).

Je vais donc, une fois de plus, rappeler quelques vérités historiques à ces ignares

Rappelons, tout d’abord, que jus­qu’à l’ar­ri­vée des Français en 1830, l’Algérie en tant que telle strong>n’existait pas et que le nom d’« Algérie » n’existait pas non plus ; il a été « inven­té », si je puis dire, par une cir­cu­laire du Ministère de la Guerre, en date du 14 octobre 1839 :
« Le pays occu­pé par les Français sera, à l’a­ve­nir, dési­gné sous le nom d’Algérie. Les déno­mi­na­tions d’an­cienne régence d’Alger et de pos­ses­sions fran­çaises dans le nord de l’Afrique ces­se­ront d’être employées dans le cadre des cor­res­pon­dances offi­cielles… »
La région, avant l’arrivée des Français, c’est une pro­vince en totale déshé­rence poli­tique, en faillite aus­si bien humaine que sociale. C’est un vul­gaire repaire de pirates qui paie un tri­but au sul­tan de Constantinople. Les rela­tions entre l’Europe et ce coin d’Afrique du Nord ont été, depuis la nuit des temps, des plus tumul­tueuses.
Au début du XVIe siècle, un cor­saire éta­bli à Alger, Khayr-al-Din, dit « Barberousse », a fait allé­geance au Sultan de Constantinople. Puis les Turcs ont admi­nis­tré la régence d’Alger à laquelle ils ont impo­sé la pré­sence de leurs gar­ni­sons et le paie­ment d’un tri­but annuel par les chefs arabes.
En 1541, excé­dé par le déve­lop­pe­ment de la pira­te­rie et par les raz­zias de chré­tiens ven­dus comme esclaves (ou ren­dus contre ran­çon), Charles Quint débar­quait avec 20 000 hommes à proxi­mi­té d’Alger. Cette expé­di­tion fut un échec mais l’histoire a rete­nu qu’un sei­gneur espa­gnol, Ponce de Balaguer, dit « Savignac », plan­ta sa dague sur la lourde porte « Bab Azoun » qui fer­mait la cita­delle d’Alger et s’écria : « Nous revien­drons ! ». Cette pro­messe par bra­vade sera tenue par les Français en 1830. Mais nous n’en sommes pas là, pas encore…
Peu après, les Espagnols s’installent à Oran, qu’ils conser­ve­ront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Entre temps, les Marseillais (et les Génois) se sont fait attri­buer le mono­pole du com­merce avec la régence d’Alger. Dès 1553, le pri­vi­lège concé­dé aux Marseillais a été éten­du à « toute la côte de Barbarie » (sic). Cette conven­tion, renou­ve­lée par le sul­tan en 1582, assu­rait aux Français la pos­ses­sion de quatre éta­blis­se­ments : Bône, La Calle, le Bastion de France et le Cap Rose. Moyennant le paie­ment d’un tri­but de 1500 écus d’or, on leur garan­tis­sait une tran­quilli­té… très rela­tive.
Les deys d’Alger, en dépit des trai­tés signés, qu’ils n’ont jamais res­pec­tés, encou­ra­geaient la pira­te­rie – la guerre de course – fort lucra­tive et qui entrai­nait peu de repré­sailles.
En 1664, Colbert char­gea le duc de Beaufort d’occuper une par­tie des côtes algé­riennes, sans grand résul­tat. En 1683, Duquesne vint bom­bar­der Alger. En guise de réponse, les Algériens atta­chèrent le père Le Vacher, qui fai­sait fonc­tion de Consul de France, à la bouche d’un canon et ouvrirent le feu.
En 1690, des envoyés du dey viennent à Versailles pour ras­su­rer le Roi Louis XIV : les choses semblent s’arranger mais à Alger, les Barbaresques conti­nuent à ran­çon­ner les navires euro­péens. Pendant tout le XVIII° siècle, Français, Anglais et Hollandais vinrent bom­bar­der, tou­jours sans la moindre effi­ca­ci­té, les côtes algé­riennes.
En 1767, ce fut le tour des Vénitiens, sui­vis des Danois en 1770 et 1772.
En 1774, l’Espagne envoya 20 000 hommes. Cette expé­di­tion n’eut pas plus de résul­tat que celle de Charles Quint. Finalement, la Hollande, le Portugal, le Royaume de Naples, la Suède, le Danemark et même les États Unis, payèrent tous les deux ans un tri­but au dey d’Alger pour assu­rer à leurs navires une rela­tive immu­ni­té. L’Angleterre et la Hollande four­nis­sant au dey des armes et des muni­tions(1).

Algérie ottomane

Régence d’Alger 1515 – 1830

En 1790, il fut ques­tion de renou­ve­ler le trai­té de paix (non res­pec­té par Alger) conclu cent ans aupa­ra­vant avec Louis XIV. À cette occa­sion le comte de Kercy, consul de France, écri­ra : « Les temps ne sont pas éloi­gnés où la France élè­ve­ra enfin la voix et, au lieu de se sou­mettre aux demandes du dey, ose­ra elle-même en faire ».
En 1801, enfin, un nou­veau trai­té de paix était conclu entre Alger et Paris. Il sti­pu­lait la liber­té du com­merce et la sup­pres­sion de l’escla­vage. Il n’eut pas plus d’effet que les pré­cé­dents. Quelques mois plus tard, la pira­te­rie recom­men­çait avec la cap­ture de deux bricks fran­çais.
Bonaparte se fâcha et envoya une divi­sion navale devant Alger avec une lettre pour le dey : « J’ai détruit l’empire des Mameluks parce qu’après avoir outra­gé le pavillon fran­çais, ils osaient deman­der de l’argent… Craignez le même sort… Si vous refu­sez de me don­ner satis­fac­tion, je débar­que­rai 80 000 hommes sur vos côtes et je détrui­rai votre régence. Ma réso­lu­tion est immuable. »
Le dey adop­ta un pro­fil bas mais, dès 1807, les rela­tions se gâtent à nou­veau entre Alger et la France. Dans un cour­rier, Napoléon informe les Russes, deve­nus ses alliés, qu’il est « déci­dé à en finir avec les Barbaresques ». Il charge un offi­cier du génie, le com­man­dant Boutin, d’étudier les pos­si­bi­li­tés d’un débar­que­ment. C’est Boutin qui pro­po­se­ra la baie de Sidi-Ferruch, à une tren­taine de kilo­mètres à l’ouest d’Alger.

Capitaine britannique horrifié chrétiens esclaves Alger 1815.

Illustration d’un capi­taine bri­tan­nique hor­ri­fié en voyant les chré­tiens tra­vailler comme esclaves dans Alger en 1815.

La pira­te­rie en Méditerranée est évo­quée par les états euro­péens, à Londres en 1816, puis à Aix-la-Chapelle en 1818 et les bom­bar­de­ments reprennent. En 1816, Lord Exmouth, à la tête d’une escadre anglaise, coule la plu­part des navires algé­riens et envoie 34 000 bou­lets de canon sur la ville.
Le dey ruse encore : il relâche aus­si­tôt 1200 cap­tifs chré­tiens et pro­met d’abolir la guerre de course. Cette pro­messe, comme les pré­cé­dentes, ne sera pas tenue.
Deux ans plus tard, les Algériens se sai­sissent de deux navires bat­tant pavillon pon­ti­fi­cal(2), puis ils arrai­sonnent deux navires fran­çais. Le Roi Charles X, furieux, décide d’intervenir.
Le 29 octobre 1826 la fré­gate « La Galatée » apporte un ulti­ma­tum au dey, qui, une nou­velle fois, fait sem­blant de s’amender… mais la pira­te­rie conti­nue.
On a écrit que la conquête (en juillet 1830) avait été déci­dée à la suite d’un mal­en­con­treux coup d’é­ven­tail don­né à un consul affai­riste en… 1827.
C’est abso­lu­ment faux ! Les auteurs sérieux disent tous qu’il fal­lait sai­sir un pré­texte pour faire ces­ser les actes de pira­te­rie. La déci­sion de conqué­rir Alger résulte, en fait, d’une imbri­ca­tion de motifs poli­tiques : la relance de la pira­te­rie, en 1821, qui demande des tri­buts aux états euro­péens et impose le droit de visite des bateaux. Puis le pillage et la confis­ca­tion de notre comp­toir de la Calle…
Les buts défi­nis par le ministre Polignac sont d’ailleurs très clairs : « Destruction de l’es­cla­vage, de la pira­te­rie et des tri­buts … sécu­ri­té de navi­ga­tion, … rendre le rivage de cette mer à la pro­duc­tion, à la civi­li­sa­tion, au com­merce, à la libre fré­quen­ta­tion de toutes les nations… ».
C’est on ne peut plus nor­mal ! Et c’est par­fai­te­ment louable !

Si l’Algérie est devenue un pays prospère – du moins jusqu’à son indépendance – elle le doit à la France

Et si les Franco-algé­riens – ces « Français de papier » qui ne manquent pas une occa­sion de se dire plus algé­riens que fran­çais – pensent le contraire, qu’ils retournent vivre en Algérie !
S’ils pré­fèrent la chor­ba (c’est leur droit après tout !), qu’ils aillent la man­ger chez eux et qu’ils arrêtent de cra­cher dans notre soupe !

Éric de Verdelhan
8 août 2019

1) Pendant sa lutte contre les Français, Abd-el-Kader béné­fi­cie­ra d’un appro­vi­sion­ne­ment impor­tant en fusils et muni­tions de l’Angleterre. Les his­to­riens n’en parlent jamais, pour­quoi ?
2) Le « Sant’Antonio » et le « San Francesco de Paolo ». Le Dey s’était pour­tant enga­gé à res­pec­ter les navires du Pape.