Opération « Résilience » : le ravi de la tente

25 mars 2020, journal de marche du 1er Régiment Gouvernemental

C’est les yeux rou­gis, au bivouac, l’air hagard, que notre chef de guerre nous a annon­cé la mise en ordre ser­ré de son armée : Opération Résilience

Les mêmes de l’Opération Sentinelle d’hier vont cra­pa­hu­ter armés de masques et gants en latex dans le Grand Est, nou­veau ter­ri­toire per­du de la République écra­sé à plates cou­tures par Covid-19 l’en­ne­mi mondial.

La rési­lience, c’est sup­por­ter l’in­sup­por­table, accep­ter l’i­nac­cep­table pour recons­truire plus solide sur les décombres. C’est tout le contraire de « se rési­gner », c’est beau, c’est fort. Le rési­gné baisse les bras, le rési­lient les lève. C’est Boris Cyrulnik, dont toute la famille a été mar­ty­ri­sée dans les camps nazis qui a défi­ni cet état d’es­prit psy­cho­lo­gique.
La rési­lience, c’est du Roberto Benigni : « La vie est belle » ou « plus belle la vie », son film émou­vant où Guido fait pas­ser son fils à tra­vers les camps nazis dans la joie et la bonne humeur.
La rési­lience, c’est Martin Gray (le faus­saire anti­quaire) qui « Au nom de tous les miens » a per­du toute sa famille dans les camps nazis, puis une deuxième fois toute sa nou­velle famille dans un incen­die au Tanneron en 1970. Il trou­ve­ra la force de se rema­rier encore deux fois et avoir 5 enfants : record abso­lu de la rési­lience.
La rési­lience, c’est du Rudyard Kipling : si tu es viré par la porte et que tu reviens par le fenêtre,« tu seras un homme, mon fils ».

Au vu de ces exemples, les camps de concen­tra­tion res­te­ront pour l’é­ter­ni­té les hauts lieux de la rési­lience. Les rési­lients ont bien su s’en­ri­chir après les camps nazis. Les Français sau­ront bien rebon­dir le jour d’a­près les mou­roirs Covid-19.

La rési­lience est donc cette pré­dis­po­si­tion idéale atten­due par Macron pour son armée et pour « ceux qui ne sont rien », qu’il appelle aujourd’­hui sans ver­gogne « Mes chers com­pa­triotes ».
Déjà sa « Médaille natio­nale de recon­nais­sance » avait voca­tion à hono­rer les vic­times du ter­ro­risme et à par­ti­ci­per à leur rési­lience.
Déjà le 8 octobre der­nier, suite à l’as­sas­si­nat de quatre poli­ciers à la Préfecture de Police de Paris, Macron tenait ce dis­cours sur­réa­liste. « La police jette l’é­ponge » et il appe­lait les Français à la rési­lience. À chaque rafale de cer­cueils, Place des Invalides, c’est un vibrant appel à notre rési­lience que Macron nous adresse avec son air de chien battu.

Cette fois-ci, cette résilience militaire attendue, comme à chacun des drames qui se succèdent, est pitoyable.

Que cha­cun d’entre nous puisse trou­ver la force de sur­mon­ter les cruau­tés de la vie, faire son deuil, trou­ver la force de conti­nuer… soit pour la socié­té civile, mais…

s’il y a un seul endroit où la résilience n’a pas sa place c’est dans l’Armée.

L’Armée, ça n’est pas le lieu où l’on garde l’es­poir de s’en­ri­chir de la défaite.
L’Armée n’a pas voca­tion à câli­ner des nou­nours ou allu­mer des bou­gies.
L’Armée n’est pas une cel­lule de sou­tien psychologique.

Le rôle de l’Armée n’est pas de porter des cercueils symboliques.Statue Stéphane Vigny Morts Opex
Pourquoi pas demain un monument avec un lit médicalisé vide, porté par des infirmières ?

Alors Monsieur « Le Résilient en chef », en atten­dant que votre contrat soit rési­lié, que vos mili­taires guer­roient, envoyez les com­battre dans les cités, là où vos valeurs de confi­ne­ment sont bien malades. Soyez leur chef, pas leur maman poule. Surtout, ne venez plus faire mine de par­ta­ger notre mal­heur, dans votre atti­tude théâ­trale sur­jouée.

Michel Lebon